AFP, publié le vendredi 10 avril 2020 à 17h06
Que sait-on de la si controversée chloroquine et son dérivé l'hydroxychloroquine, actuellement expérimentée dans plusieurs pays, aux côtés d'autres molécules, contre le Covid-19 ?
Qu'est-ce que c'est?
La chloroquine, issue de la quinine, est prescrite depuis plusieurs décennies contre le paludisme, un parasite véhiculé par le moustique.
Il existe un dérivé, l'hydroxychloroquine (HC), mieux toléré, connu en France sous le nom de Plaquenil, utilisé contre le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde.
Pourquoi suscitent-elles de l'espoir ?
Dans l'attente d'un hypothétique vaccin, les scientifiques travaillent sur de nombreuses pistes thérapeutiques, dont plusieurs médicaments existants, comme des antiviraux ou l'hydroxychloroquine.
La chloroquine et l'hydroxychloroquine ont l'avantage d'être déjà disponibles, bon marché et bien connues.
Avant même le SARS-CoV-2, leurs propriétés antivirales ont fait l'objet de nombreuses études, in vitro ou sur des animaux et sur différents virus, avec dans certains cas, des résultats positifs.
Des études ont aussi montré des effets in vitro sur le nouveau coronavirus mais bien souvent, des résultats scientifiques in vitro ne se retrouvent pas in vivo chez l'homme.
La polémique scientifique ...
En France, le Pr Didier Raoult et son équipe à l'Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) Méditerranée Infection ont conclu dans plusieurs études à "l'efficacité" de l'hydroxychloroquine associée à l'azithromycine, un antibiotique, sur des patients malades.
Des scientifiques chinois ont également observé des signes d'efficacité dans des études cliniques.
Mais l'OMS et nombre de scientifiques estiment impossible de tirer cette conclusion sur la seule base de ces études, en raison de la manière dont elles sont élaborées, en particulier parce le nombre de patients est trop limité.
Preuve de la complexité du sujet, d'autres études, elles aussi limitées, ont abouti récemment à une absence d'efficacité.
Face aux critiques, le Pr Raoult a mis en ligne vendredi le résumé d'une nouvelle étude -non encore publiée par une revue scientifique- portant cette fois sur plus de 1.000 malades, qui pour 95% d'entre eux avaient des symptômes de faible gravité.
Le chercheur y affirme notamment qu'après 10 jours, plus de neuf sur dix (91,7%) n'avaient plus de charge virale.
Mais pour Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'Institut Pasteur, en l'absence de groupe-témoin de patients (qui reçoivent un placebo), on ne peut pas savoir si le traitement est efficace.
"Ces résultats sont juste nuls et non avenus, ça ne nous apprend rien sur l'efficacité du traitement", estime sa consœur Catherine Hill, qui souligne qu'au moins 85% des gens guérissent spontanément, sans aucun traitement.
En revanche, à rebours de nombre de ses confrères, le professeur Christian Peronne, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital de Garches, plaide lui aussi pour l'utilisation large et rapide de l'hydroxychloroquine.
C'est à cause de toutes ces inconnues qu'une très large partie de la communauté scientifique, ainsi que les autorités sanitaires françaises ou américaines notamment, appellent à des essais bien plus larges.
Le débat se focalise donc entre ceux qui appellent à la prudence, le temps de mener à bien ces essais, et ceux qui prônent une large utilisation du médicament au nom de l'urgence sanitaire.
... et politique
De fait, les controverses autour de l'hydroxychloroquine ont largement dépassé la sphère scientifique pour devenir, en particulier en France, un sujet de débat public et politique très médiatisé, suscitant des discussions enflammées en famille et dans les médias mais aussi une pétition, de féroces empoignades sur les réseaux sociaux et même un sondage d'opinion.
En France le Pr Raoult a reçu le soutien de personnalités politiques, comme le maire de Nice Christian Estrosi, le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau ou l'ancien ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy.