Emprunts trop fréquents ou "toxiques", surendettement, autofinancement insuffisant... Un rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC), publiquement dévoilé ce lundi, met en avant des défaillances dans la gestion de la région Poitou-Charentes entre 2011 et 2015.
L'affaire oppose, depuis près d'un an, l'actuelle ministre de l'Environnement et le président de la nouvelle région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset. Rapport après rapport, les deux socialistes se renvoient la balle.
Ségolène Royal a-t-elle laissé une énorme ardoise à la région Nouvelle-Aquitaine ? L'affaire débute en février 2016. Le nouveau président de la région - issue de la fusion du Poitou-Charentes, du Limousin et de l'Aquitaine - affirme avoir découvert des retards de paiements importants ainsi que de potentiels "emprunts toxiques" dans les comptes de l'ancienne région présidée par Ségolène Royal de 2004 à 2014. Alain Rousset parle à l'époque de 132 millions d'euros d'impayés et de "130 millions d'emprunts dits structurés" pouvant "exploser et devenir potentiellement toxiques".
Il commande plusieurs audits. Ceux d'avril et d'octobre 2016 confirment la "situation financière alarmante" de l'ex-Poitou-Charentes : la nouvelle grande région hérite d'un passif de 131,9 millions d'euros de factures impayées, selon l'enquête menée par le cabinet EY (Ernest & Young). Des accusations "diffamatoires pour détruire et pour abîmer" selon Ségolène Royal qui qualifie Ernst & Young d'"officine privée". Dans un communiqué publié le 8 décembre, la ministre défend sa gestion "irréprochable" de la région Poitou-Charentes et s'appuie sur le rapport - encore confidentiel - de la Chambre régional des comptes.
Celui-ci, dévoilé par plusieurs titres de presse jeudi, pointe pourtant du doigt plusieurs défaillances dans la gestion financière de l'ex-région Poitou-Charentes. "On est sur un champ de mines", a déclaré vendredi Alain Rousset. Selon lui, le rapport de la CRC confirme "les impayés" et "la dette" léguée à sa région. "Ségolène Royal n'a pas lu le rapport", estime-t-il.
► 19 ANS POUR REMBOURSER LA DETTE
Selon le rapport, la capacité de désendettement (nombre d'années nécessaires pour revenir dans le vert) de la région avoisine les 19 ans en 2015, "contre 5,2 ans l'année précédente". Cela constitue un record en France, où le seuil d'alerte est placé à 8 ans. La dette a bondi de 51,4% sur la période 2011-2015. "En 2015, je n'étais plus présidente de la région, donc cela ne me concerne pas", a rétorqué, vendredi au Parisien, l'actuelle ministre de l'Environnement remplacée par Jean-François Macaire (PS) en 2015. Celui-ci est désormais troisième vice-président de la Nouvelle-Aquitaine.
► 46 MILLIONS D'EMPRUNTS "TOXIQUES" ?
Comme l'audit d'EY l'avait pointé, la région Poitou-Charentes a eu un temps recours à des emprunts toxiques. La Chambre estime que la région présidée par Ségolène Royal avait "développé avant 2010 une pratique d'endettement plus risquée, intégrant des produits dits structurés (emprunts toxiques, ndlr)". Fin 2015, 62,5% de la dette était à taux variables, près de 10% étant encore classifié comme "hors charte". "On a 172 millions d'euros d'emprunts structurés de l'ancien conseil régional du Poitou-Charentes", a précisé Alain Rousset sur la base du rapport de la CRC. "Sur les 172, il y en a 46 qui sont très dangereux (...) Le coût peut être très important, des dizaines de milliers d'euros qu'il faudrait payer aux banques".
Alain Rousset a expliqué à l'AFP qu'un cabinet spécialisé les "aidait à déminer tous ces emprunts". Il étudie en particulier les possibilités de réaménagement de la dette auprès des banques, qui sera votée cette semaine lors de la séance plénière de l'assemblée régionale de la Nouvelle-Aquitaine. La nouvelle région a également demandé l'aide de l'État avec une demande de réouverture du Fonds de soutien à l'investissement local (Fsil), qui accompagne les collectivités ayant "des emprunts toxiques". "Nulle part dans ce rapport, il n'est écrit que ce sont des emprunts 'toxiques' et toutes les collectivités locales y ont recouru à une période", a répondu Ségolène Royal dans Le Parisien.
► DES INVESTISSEMENTS FAIBLES, DES CHARGES DE FONCTIONNEMENT EN HAUSSE
La dette a-t-elle financé des investissements ? Non, selon le rapport de la CRC : les dépenses d'équipement par habitant ont atteint en 2015 "153 euros en Aquitaine, 125 euros en Limousin et 73 euros en Poitou-Charentes, contre 120 euros en moyenne en France". "Un gros investissement portant sur les trains n'est pas visible, car inscrit dans un budget annexe", a fait valoir Ségolène Royal. "Par ailleurs, nous avons fait le choix de développer la formation professionnelle et l'éducation, qui n'entrent pas dans ce budget-là".
Entre 2011 et 2015, les charges de fonctionnement ont également fortement augmenté (+12,1% contre +3,7% pour L'Aquitaine et 10,5% pour le Limousin). Des dépenses de personnel aux aides aux personnes... Tous les postes sont en hausse.