"C'est le bordel" et l'ancienne candidate à la présidentielle doit "remettre de l'ordre dans tout ça", estime Nicole Dupont, auxiliaire de vie à domicile de 50 ans, qui a mis un "gilet jaune" sous son pare-brise et voit tous les jours "la misère".
Emmanuel Macron, "il ne veut rien entendre. Le mieux, c'est qu'il parte", ajoute cette habitante de Saint-Martin-de-Bonfossé, qui a voté pour François Fillon (LR) au premier tour, puis pour la candidate RN à la présidentielle, mais qui n'a "pas le temps" d'aller au meeting dans la commune voisine de Saint-Ebremont-de-Bonfossé.
Loin des bastions du Nord et du Sud du pays, la Manche fait partie des terres de conquête du RN, où Marine Le Pen souhaite engranger des voix aux prochaines élections, européennes comme municipales.
A la présidentielle, elle est arrivée à la 3e place seulement dans la Manche, derrière Emmanuel Macron et François Fillon.
"Ce sont des terres de mission, touchées par la désertification, et où les +gilets jaunes+ ont suscité une certaine mobilisation", note le sociologue Sylvain Crépon. "Pour dépasser l'étiage de 34% de voix à la présidentielle, rien ne doit être négligé. Même si ces départements ne sont pas dynamiques pour elle", ajoute le politologue Jean-Yves Camus.
Samedi prochain, Marine Le Pen tiendra encore un meeting dans l'Ouest, dans le Maine-et-Loire, où François Fillon était arrivé en 2e position au premier tour. Elle y viendra avec une recrue issue de LR, l'ancien député de Gironde Jean-Paul Garraud.
- "Tensions" -
Patrick B., 54 ans, ouvrier qualifié, est venu au PMU de Canisy prendre des paris hippiques. Cet ouvrier qualifié ne juge "pas le RN crédible sur l'Europe".
Il habite tout près de la salle polyvalente de Saint-Ebremont, 700 habitants, et viendra peut-être "en curieux". Mais il revotera pour Emmanuel Macron qui a permis de "changer, et de sortir du clivage droite-gauche", même s'il est "d'accord avec plusieurs des revendications des +gilets jaunes+".
Au bar-PMU de Canisy, le seul à plusieurs kilomètres à la ronde, les deux tenancières ne veulent pas parler politique car "ça crée des tensions".
Dédé, la cinquantaine et le regard fuyant, n'ira pas voir Marine Le Pen. "Les politicards j'y crois plus. Ils sont tous copains pour se voter les mêmes lois et ne penser qu'à leur gueule".
Dans cette région rurale, "il y a un sentiment d'abandon, les servics publics ferment, des agriculteurs sont en difficulté. Il y a des suppressions de lignes de train. Et des implantations de migrants sont faites de manière autoritaire", dénonce le délégué du RN dans la Manche, Jean-Jacques Noël.
La Manche n'est pourtant pas une terre d'immigration, mais pour cette retraitée qui sort de la boulangerie, "il y a trop d'étrangers. Quand on traverse les trottoirs, on n'entend plus un mot de français. Je ne suis plus chez moi".
"Il y a assez de misère en France sans en ramener", renchérit Dylan, 23 ans, venu avec deux autres jeunes faire une pause. Marine Le Pen, "ça m'intéresse bien, il faut prendre les idées de partout".
Ils sont très virulents contre Emmanuel Macron. "Mettre un banquier à la tête du gouvernement, c'est comme confier sa cave à un ivrogne", dénonce Dylan.
Devant la salle polyvalente, quelques dizaines de manifestants de gauche sont venus clamer leur opposition au RN, "le pire ennemi des travailleurs".
"Air Haine. Une balle dans le front", peut-on aussi lire tagué sur le mur extérieur de la même salle, que le RN a recouvert pour partie d'affiches.