Les premiers signataires de la tribune diffusée dans le Monde : Hervé Marseille, Président de l'UDI, Président du groupe Union centriste, Valérie Boyer, Sénatrice des Bouches du Rhône, Gilbert-Luc Devinaz, président du groupe d’amitié France-Arménie, Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, Patrick Kanner, président du Groupe socialiste, écologiste et républicain, Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Nos voix s’élèvent pour sauver les 120 000 Arméniens du Haut-Karabakh (Artsakh), dont 30 000 enfants. Sous blocus depuis le 12 décembre 2022, l’enclave du Haut-Karabakh est littéralement asphyxiée dans un silence assourdissant et une indifférence gênante. Cette tribune est un appel à une action forte de la part de la France et de la communauté internationale.
Le Sénat puis l’Assemblée nationale ont voté à la quasi-unanimité des résolutions condamnant l’Azerbaïdjan, réclamant des sanctions contre ses dirigeants et demandant la reconnaissance de la République du Haut-Karabakh, convaincus que c’est la clé d’une paix durable dans le Caucase sud. Ces votes n’ont pour l’instant été suivis d’aucun effet.
La France, parce qu’elle est engagée moralement, historiquement et culturellement aux côtés de l’Arménie, se doit d’agir pour stopper l’épuration ethnique en cours et sanctionner fermement l’Azerbaïdjan. Cela passe en priorité par une action humanitaire telle que promise par le président de la République, Emmanuel Macron.
Le Haut-Karabakh est devenu une prison à ciel ouvert
Cela fait cent jours que le corridor de Latchine, seule voie d’accès reliant le Haut-Karabakh à l’Arménie, est fermé sous prétexte que des prétendus militants écologistes azéris mènent une action sur les lieux, alors que des enquêtes ont prouvé que les forces spéciales azéries sont sur le terrain.
L’Arménie et le Haut-Karabakh subissent une guerre à bas bruit menée par des Etats révisionnistes, qui, au-delà de cette région, contestent les frontières même de l’Arménie, désignée à présent comme « l’Azerbaïdjan occidental », ce qui constitue un non-sens historique et une violation de la souveraineté de la République d’Arménie et du droit international.
Le Haut-Karabakh est devenu une prison à ciel ouvert, où, au quotidien, les habitants manquent de tout : nourriture, vivres et produits d’hygiène les plus élémentaires. L’Azerbaïdjan coupe aléatoirement le gaz, l’électricité, les réseaux Internet, plongeant dans l’isolement de l’hiver glacial les habitants de cette région montagneuse, où il peut faire jusqu’à – 10 degrés.
Indifférence de la communauté internationale
Les enfants ne sont plus scolarisés, les écoles ayant dû fermer par manque de chauffage et de moyens de fonctionnement. Les enfants de l’hôpital de Stepanakert sont à court de médicaments et ne peuvent plus être soignés. Seuls quelques-uns ont pu être évacués en urgence vers Erevan par la Croix-Rouge. Deux cents nouveau-nés ont vu le jour, mais quel sera leur avenir, dans une région dévastée par la guerre de 2020 et, peut-être, par un nouveau conflit qui se prépare sournoisement ?
La population arménienne du Haut-Karabakh se meurt dans l’indifférence de la communauté internationale. La souveraineté, l’existence, la vie même des Arméniens vaut-elle moins que celle des Ukrainiens ? La solidarité dont nous faisons preuve – à juste titre – pour l’Ukraine est incohérente avec l’inaction et le silence qui caractérisent le traitement et l’information du conflit du Haut-Karabakh.
Alors que la France, l’Arménie et de nombreux pays amis s’apprêtent à commémorer, comme chaque année, le 24 avril 2023, le génocide des Arméniens de 1915, le devoir de mémoire ne doit pas nous dispenser d’agir pour venir en aide aux Arméniens, qui sont la cible d’une nouvelle épuration ethnique au Haut-Karabakh.
Une politique expansionniste, révisionniste et génocidaire
Au cours du génocide perpétré par les Turcs en 1915, un million et demi d’Arméniens furent déportés, torturés, massacrés dans l’indifférence totale et le silence général. Le génocide des Arméniens a été reconnu par la France en 2001, et par de nombreux autres pays également, et la commémoration de ce premier génocide du XXe siècle ne peut aujourd’hui conserver son sens que dans une optique de prévention pour que de tels crimes ne se reproduisent pas.
Or, lorsque le président Aliev déclare impunément que pour les habitants du Haut-Karabakh, c’est « la valise ou le cercueil », à quoi assiste-t-on, si ce n’est à la continuation explicitement annoncée du génocide de 1915 ? Agissons afin que de tels propos, renforcés par ceux du président Erdogan, qui désigne explicitement les Arméniens comme « les restes de l’épée », ne conduisent pas au dernier acte d’une tragédie qui n’en finit pas de se rejouer et dont la communauté internationale se rendrait complice, une fois encore, par son silence.
L’absence de condamnation de l’Azerbaidjan et de sanctions applicables de la part de la communauté internationale ne peut qu’inciter le dictateur Aliev à poursuivre sa politique expansionniste, révisionniste et génocidaire. Non seulement l’Azerbaïdjan se refuse à exécuter l’ordonnance de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye exigeant le déblocage du corridor de Latchine, mais il a commis le 6 mars 2023 de nouveaux crimes contre les Arméniens : trois d’entre eux ont été tués lors d’une embuscade par les forces azéries.
Traduire en actes sa solidarité envers l’Arménie, sœur de la France
Silence à nouveau de la part de la France, de l’Union européenne et de la communauté internationale. Les intérêts économiques et géostratégiques, les autres confits qui éclatent aux portes de l’Europe ne doivent pas condamner une nouvelle fois les Arméniens à mourir dans le silence. Cent huit ans après le génocide de 1915, les Arméniens du Haut-Karabakh ont acquis le droit de vivre en paix sur leurs terres ancestrales.
Par cette tribune, nous affirmons notre soutien à la population arménienne du Haut-Karabakh menacée d’épuration ethnique sur son propre territoire. Nous demandons à la France et à la communauté internationale d’intervenir en faveur de la levée immédiate du blocus sur le corridor de Latchine, qui dure depuis plus de trois mois.
Il convient de procéder d’urgence à l’envoi d’un convoi humanitaire pour sauver les Arméniens du Haut-Karabakh. C’est le devoir de notre pays de traduire en actes sa solidarité envers l’Arménie, sœur de la France.
La totalité des signataires de la tribune :
Jean-Claude Anglars, Serge Babary, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Annick Billon, Etienne Blanc, Bruno Belin, Catherine Belrhiti, Martine Berthet, Christine Bonfanti-Dossat, Michel Bonnus, Alexandra Borchio-Fontimp, Yves Bouloux, Hussein Bourgi, Toine Bourrat, Max Brisson, Bernard Buis, Laurent Burgoa, Agnès Canayer, Jean-Noël Cardoux, Marie-Arlette Carlotti, Marta De Cidrac, Hélène Conway-Mouret, Pierre Cuypers, Laure Darcos, Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Annie Delmont-Koropoulis, Catherine Deroche, Chantale Deseyne, Brigitte Devesa, Catherine Di Folco, Catherine Dumas, Françoise Dumont, Vincent Eble, Céline Boulay-Esperonnier, Dominique Estrosi-Sassone, Jacqueline Eustache-Brinio, Gilbert Favreau, Rémi Feraud, Bernard Fournier, Christophe-André Frassa, Laurence Garnier, Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, Olivier Henno, Corinne Imbert, Else Joseph, Christian Klinger, Florence Lassarade, Christine Lavarde, Ronan Le Gleut, Dominique De Legge, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Viviane Malet, Didier Mandelli, Brigitte Micouleau, Thierry Meignen, Marie Mercier, Sébastien Meurant, Marie-Pierre Monier, Catherine Morin-Desailly, Louis-Jean De Nicolay, Sylviane Noel, Pierre Ouzoulias, Cédric Perrin, Kristina Pluchet, Didier Rambaud, Stéphane Ravier, Evelyne Renaud-Garabedian, Olivier Rietmann, Hugues Saury, Michel Savin, René-Paul Savary, Bruno Sido, Nadia Sollogoub, Laurent Somon, Lucien Stanzione, Philippe Tabarot, Rachid Temal, Mickaël Vallet, Anne Ventalon
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